[Jandek] Jandek in London - 18th October 2005

Hervé Planquois herve.planquois at neuf.fr
Fri Oct 21 06:05:06 PDT 2005


DISASTER IS MY NAME -  Jandek 

St Giles on the Fields, Londres - 18 Octobre 2005

 

'Sous l'arche intemporelle où trône la toute-pure nullité

et plus absent par l'absence même de mes traces.'

 

Louis-René des Forêts

 

 

 

 

Avions-nous fait l'erreur de venir ici ce soir ? Certes non. 

 

Pourtant, une voix grise, après une longue et belle improvisation sur guitare acoustique dit (ou plutôt déchante, psalmodie) : 'I made a mistake coming here today'. 

 

Nous sommes bien aujourd'hui, ce qui est déjà rassurant. 

 

Ce qui l'est moins, c'est que celui qui prononce cette 'sentence', et qui - depuis peu  - ne fait plus mystère de son mystère, est venu vêtu de noir, du chapeau jusqu'aux chaussures, au beau milieu du chour de cette église propre, dorée, harmonieuse, presqu'enjouée - où l'on se sent plus à prier les vivants que les morts. 

 

Mais il se trouve que Jandek, entré par la sacristie, s'y est installé le temps d'un récital d'une heure, montre en main.

 

Entré ? Le mot est trop fort, ou trop faible - c'est selon. 

 

Apparu serait plus approprié. Et encore : en apparaissant, c'est comme s'il disparaissait. Une forme sombre, au fond, qui se déplie depuis l'ombre vers la lumière d'un luminaire à l'ancienne - la légèreté du pas étonne, tout comme son hésitation. Et son extrême lenteur.

 

La démarche de quelqu'un qui cherche à dire : 'Vous avez voulu me voir - eh bien vous me voyez maintenant. Vous aimez les choses nues ? Vous êtes servis.'

 

Une démarche d'animal mélancolique. Des pas de loup sur la superbe moquette du chour. Des pas qui font un peu peur, au fond - parce que silencieux comme ceux qui précèdent une comparution.

 

Forme flottante et noire - au sommet duquel domine un visage blême comme frappé d'étisie - qui s'installe sur un siège en bois précieux. D'une main, une guitare et de l'autre le cahier à la couverture noire, où sont inscrites les paroles qui seront proférées ce soir.

 

Et la messe grise commence peut commencer - tous les fidèles étant là, et ils sont nombreux, pour être cueillis à froid - grande spécialité de Jandek : 'J'ai fait l'erreur d'être là ce soir'.

 

Suivront huit blues étirés jusqu'au point de rupture : micro-notes, micro-tons, accords improbables, acrobaties des longs doigts sur le manche de la guitare, caresses en tous sens avec l'autre main, celle de droite - et voix, toujours là pour rendre sensible la durée du malheur d'être précisément là.

 

(Signaler la démesure des mains de Jandek)

 

Entre l'urgence de dire et l'urgence de taire, il y a Jandek : l'urgence du neutre. La musique de Jandek est l'exacte musique du neutre. Les micro-notes, par de multiples opérations improvisées, s'annulent entre elles, formant quelque chose qui ne s'apparente à rien - évènement sonore célibataire, langage non-asservi aux 'mots de la tribu'.

 

Nu, il se veut : 'I suppose - i've got no clothes. I guess you see me confess' - ce qui, c'est évident, sonne bizarrement, voire comiquement, dans une église. 

 

Mais nous n'avions pas tout entendu.

 

Le dernier blues, de facture plus brutale, est éloquent dès les premiers mots : 'Disaster is my name' - comme en guise d'excuse. Il est donné nom aux catastrophes, et le vrai désastre est dans la nomination même. 

 

La présence de Jandek fut un rêve. Un trou noir au milieu de cette église pimpante, absorbant toute présence alentour - un rêve précieux, bien qu'inconfortable : celui d'une dimension perdue dans l'art d'apparaître et dans celui de disparaître, l'humilité non-feinte.
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